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Avant Guerre – Le carnaval au 15e siècle

La plus ancienne trace du carnaval remonte au XVe siècle. À l’époque, durant quelques jours de folie, les vicaires de Tournai, comme ceux de tous les évêchés de Picardie et de Paris, se choisissaient un « évêque des fous », qu’ils promenaient ensuite bruyamment pendant plusieurs jours dans toute la ville. Une manière, comme dans toute tradition carnavalesque, de se moquer de l’autorité. À l’origine, cette fête était célébrée en famille par les seuls vicaires, vicariats, primetiers et petits clercs. Mais la cérémonie a connu un succès tellement grand qu’elle s’est transformée en un cortège carnavalesque.

Le 24 décembre 1451, le magistrat tournaisien avait tenté d’interdire l’élection de l’ « évêque des fous » qui avait lieu traditionnellement le jour de la fête des Innocents et cet évêque restait en fonction jusqu’au jour des Rois, voire, selon certains, jusqu’au carnaval. Ce qui indiquerait qu’il y avait alors bel et bien un carnaval en plus de cette fête. L’ « évêque des fous » ainsi élu, il était temps de « faire des jeux » dans les rues pendant sept à huit jours. Après quoi on se réunissait pour parler des chanoines, en s’en moquant et en ingurgitant pain et vin envoyés par le Chapitre des dits chanoines et les autorités. Les interdictions tenaient visiblement surtout de l’exhortation, la jeunesse défendant cette tradition. Tant et si bien que la fête se poursuivit malgré tout. Jusqu’en 1498, quand elle fit scandale.

Le 27 décembre 1498, vingt à trente personnes, parmi lesquelles quelques officiers et sergents de ville, se réunirent le soir dans un cabaret, bien résolus à célébrer la fête traditionnelle. Hélas, aucun vicaire n’est visible. Ils se sont conformés aux défenses du Chapitre. Malgré tout il suffisait d’aller les chercher chez eux. Leurs portes furent enfoncées et on amena de force sept à huit vicaires à peine vêtus au cabaret.

L’un d’eux est nommé évêque et promené à travers la ville. Le Chapitre intervient auprès des prévôts et jurés pour qu’ils fassent respecter l’interdiction. Ceux-ci se contentèrent d’en rire, arguant que la coutume est ancienne dans la ville. Finalement, les chanoines envoyèrent le sonneur de Notre-Dame parlementer avec la bande. Mal leur en prend : le sonneur, capturé, vint grossir le cortège qui déambulait dans la ville. De sorte que les cloches de la cathédrale devinrent muettes et, à leur suite, celles de toutes les églises de Tournai, puisqu’on ne sonnait jamais dans aucune autre église tant que Notre-Dame n’avait pas donné le signal. Les chanoines firent ainsi interdire toute sonnerie au curé de la Madeleine, espérant que la perturbation qui en résulterait déciderait les trop joyeux drilles à relâcher les vicaires. Ce qu’ils finirent par faire, confiant cependant l’ « évêque des fous » à la garde d’un habitant de la rive droite qui, étant d’un autre diocèse, n’avait rien à craindre.

L’histoire ne dit pas quand il fut relâché. Par contre, elle a conservé en mémoire le nom de Renaud Gardavoir, le dernier « évêque des fous » à Tournai.

Le carnaval au 19e siècle

À cette époque, le carnaval était fêté dans chaque quartier de la ville. On pouvait peut-être alors dire qu’il n’y avait pas UN carnaval mais DES carnavals. Et parfois, il y avait une tentative de les unifier en un cortège, comme on les avait toujours connus et aimés à Tournai.

Le carnaval commençait très tôt le matin. Les enfants étaient vêtus de loques disparates et défilaient en chantant dans la rue. Mais dès l’après-midi, le signal de mise en branle des sociétés était lancé, avec musiques et chansons du jour. La rue et les cafés étaient envahis par la foule. « Les sociétés y pénétraient à la queue leu leu ; on aguichait les consommateurs et on ressortait sans avoir bu, ce qui valait le surnom de « sans-liards ». (…) Ces journées de carnaval étaient pétries de franche gaieté, et le commerce marchait à plein rendement. » écrit la presse locale.

Les gosses sortent dans les rues munis d’instruments quelconques propres à faire du bruit. Ils veulent imiter les grands. En effet, les échos des sociétés et des compagnies de masques se font entendre dans divers coins de la ville.

Tous ces cafés de la Grand-Place, déjà débordants de consommateurs, sont pris d’assaut par les masques. Ils se glissent dans l’étroit couloir, sautant, s’entrechoquant, repartant comme ils sont venus, sans consommer, naturellement. « Eh ! tas d’sans liards ! », leur crie le public en guise de salut.

Selon W. Ravez : « Plus placides, des Pêcheurs, affublés d’un sarrau bleu ou d’une blouse de peintre, coiffés d’un chapeau de paille et tenant une canne à pêche, se promenaient lentement sur la Grand-Place et amusaient la marmaille. (…) La perche dont ils étaient munis portait comme hameçon un pain français enduit de sirop, et les titis devaient le lécher sans le toucher des mains, réussite qui leur valait un sou, qui se doublait d’un autre lorsque, le visage barbouillé de mélasse, ils consentaient à se plonger la figure dans un panier de plumes.

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À côté de ce tableau très tournaisien, il ne faut point omettre les amusantes paillasses dans lesquelles des groupes de cinq ou six personnes s’étaient fait coudre devenant ainsi solidaires pour leurs moindres gestes. »

« La tradition avait créé ce que l’on appelait le tour des masques ; ceux-ci (…) suivaient un itinéraire précis : rue de Pont, rue des Puits-l’Eau, rue Gallait, rue des Chapeliers, Grand-place, rue de Cologne et rue du Cygne ; il y avait aussi la promenade des quais à laquelle s’associaient Roubaisiens et Tourquennois, qui s’en faisaient un but d’excursion. Les promeneurs en files compactes exécutaient le même circuit, sûrs de rencontrer les masques sur leur chemin, avides de se mêler à leurs ébats et de subir l’entraînement de leurs sarabandes endiablées. (…)

« La verve tournaisienne, pétillante ou agressive, ironique ou taquine, se donnait libre cours et se n’était pas un mal. Il fallait supporter la plaisanterie, savoir entendre l’riache, comme on disait, ou bien il seyait de rester prudemment chez soi, ce que ne manquaient pas de faire les gens dont la conscience n’était pas en repos, dont la vie publique ou privée avait prêté à équivoque ou à critique ; c’est peut-être chez ceux-là que l’on a puisé les plus implacables ennemis du carnaval. »

Dans les années 1820, on assista à un grand changement, la Feuille de Tournai apprend aux habitants que le carnaval se fête le dimanche, le lundi et le Mardi Gras, mais aussi le dernier dimanche de Carême. Un bal masqué était alors organisé le Mardi Gras.

Après quelques années, la foule fut moins présente mais il y eut, fort heureusement, quelques belles années. Ainsi, en 1834, on a pu admirer un grand nombre de masques sur les quais et dans les rues. Et en 1842, une cavalcade réunissant de 80 à 100 pierrots était prévue pour le dimanche.

En 1846, une mascarade avec deux chars fut organisée, sous prétexte d’une quête pour les malheureux. La somme recueillie a permis de distribuer 1630 pains aux pauvres.
D’autres mascarades ont eu lieu, mais elles ont été assez éparpillées. Par contre, il y eut beaucoup de monde dans les bals de sociétés et au théâtre.

Le 16 mars 1860, la Feuille de Tournai annonce pour la journée de Mi-Carême, « dernière journée de carnaval », un cortège de masques composé de plus de 600 personnes.

Les compagnies de masques qui, auparavant, marchaient isolément, se sont réunies en un cortège. Six médailles étaient alors décernées : meilleure chanson patoise, chanson la plus originale, meilleure exécution, société qui déploiera le plus de pompe, société la plus originale, société la plus nombreuse.

C’est ainsi que nos goguettiers modernes, accompagnés de leurs femmes mais également précédés de tambours et parfois d’une bruyante fanfare, continuaient de promener à travers les rues la satire triomphante. Fiers, ils parcouraient l’itinéraire traditionnel dit « Le Tour des Masques. » Ils semblaient remplir un devoir sacré : courir à masque, et, le jour terminé, ils rentraient dans leurs quartiers respectifs où ils se hâtaient de réintégrer le domicile social. Malgré la fatigue, tous se rendaient au grand bal masqué et travesti où des rafraîchissements de premier choix sont offerts de droit à la famille de chaque sociétaire. Pour conclure cette journée, l’Ancien commandait à son assemblée de s’asseoir par terre et donnait le signal de la Danse des Cloches.

À la fin du 19e siècle ou au début du 20e, Tournai a même connu une tentative de création d’un carnaval d’été. Les bourgeois et notables se sont efforcés de lancer un cortège carnavalesque qui aurait présenté une image plus digne et plus contrôlée de la population que les débordements des jours gras mais ce fut sans grand succès.

Renouveau après 1981

Après la Seconde Guerre mondiale, en 1949, dans « Le Folklore de Tournai et du Tournaisis », on a pu constater la disparition de la fête à Tournai. Le carnaval perd de son charme et il ne paraît plus que comme une manifestation bruyante.

Dans les années 70, l’Association des Commerçants rachetait les grosses têtes du carnaval de Nice et lançait un carnaval de type corso fleuri mais cela n’a pas eu un grand succès.

En 1981 par contre, le carnaval redémarre, presque par surprise…

C’est ainsi que les carnavaleux ont assisté à la première crémation du Roi et au premier bal du samedi soir. En 1982 a eu lieu la première apparition des affiches « Tertous in masque su s’visach ». Le Roi Carnaval a été réalisé par les mouvements de jeunesse de Saint-Paul. En 1983, la célébration de la naissance du Roi Carnaval s’est organisée le vendredi soir par les Pionniers de Saint Paul.

En 1984, on a pu assister à la création de l’ASBL Carnaval de Tournai, dont Michel Renard en était à l’époque le président. Le Roi Carnaval est alors réalisé par le temps disponible du CPAS de Rumes. Il y avait notamment des jeux populaires comme le tir à la corde, courses de sacs et mât de Cocagne) sur la Grand-Place et l’élection du Roi Tutur 1er.

En 1985 a eu lieu la première cuvée de la Naïade et la première Nuit des Intrigues avec la naissance du Roi Carnaval, entre les confréries des Laetare, des Diables, des Diablotines, des Tarés d’Allain et des Dragons. Le Roi Carnaval a été réalisé par les Horizons Nouveaux et ils ont réitéré l’élection du Roi Tutur 1er. Ensuite vint l’apparition d’ateliers créatifs pour les enfants et de récitals de Christian Merveille.

En 1986, création du sigle du Carnaval, les 5 clochers aux longs nez rouges, par Quentin Wuilbaux. Le vendredi s’est déroulé la première Nuit des Intrigues publique (réalisée par Totem) ainsi que l’élection d’une première Reine : Mimisse. Le Pichou a été créé par les Boulangers et il a été jeté du haut du beffroi.